Accueil APPELLATION La Champagne, le virage vert pour un avenir durable

La Champagne, le virage vert pour un avenir durable

Dans un monde où l’urgence climatique et les attentes croissantes des consommateurs envers des produits écoresponsables se font de plus en plus sentir, la Champagne, reconnue pour son excellence viticole, n’est pas en reste. Ayant réalisé son premier bilan carbone dès 2003, cette région est aujourd’hui poussée par la nécessité d’accélérer sa transition vers la durabilité. La récente étude menée par la Chaire Bioéconomie et Développement Soutenable de NEOMA, en collaboration avec la Caisse d’Epargne Grand Est Europe, offre une feuille de route claire pour y parvenir.

Les clefs de la transition : formation, expérimentation et circularité

L’étude (lire ci-dessous)  identifie trois leviers principaux pour faciliter la transition du secteur : la formation des acteurs, l’encouragement à la généralisation des expérimentations et le développement de pratiques circulaires. En effet, la formation apparaît comme un pilier essentiel, visant à diffuser les connaissances et les pratiques vertueuses à travers toute la filière. Parallèlement, la multiplication des expérimentations est encouragée, permettant de tester et d’adopter les meilleures pratiques sur le terrain. Enfin, l’accent est mis sur l’importance de développer des boucles de circularité, créant ainsi des modèles d’affaires renouvelés qui contribuent à l’objectif de neutralité carbone.

Une filière, plusieurs visages

L’étude met en lumière la diversité des acteurs engagés dans ce processus de transition, depuis les vignerons pionniers, actifs depuis plus d’une décennie, jusqu’aux exploitations de plus petite envergure, plus récemment converties à des pratiques soutenables. Cette diversité est vue non pas comme un frein, mais comme une richesse permettant d’adopter une approche multi-facettes de la transition écologique.

Deux stratégies distinctes émergent également : l’approche « puzzle », privilégiée par les grandes organisations, qui segmente la transition en objectifs spécifiques par émissions de gaz à effet de serre, et l’approche « holistique », orientée autour d’une vision globale de la durabilité, notamment à travers l’adoption de labels environnementaux.

Vers une dynamique collective

Nicolas Béfort, directeur de la Chaire, souligne l’importance de cette étude comme moteur de réflexion pour une filière déjà engagée vers la durabilité. Olivier Vimard de la Caisse d’Epargne Grand Est Europe réaffirme quant à lui l’engagement de sa banque à accompagner cette transition, illustrant le rôle crucial du soutien financier et de l’expertise dans la réussite de ces initiatives.

Au-delà de ces aspects, l’étude révèle un point essentiel : la transition vers une viticulture durable en Champagne n’est pas seulement une question de techniques et de stratégies, mais aussi et surtout une affaire de dynamique collective. Les acteurs de la filière, par leur engagement commun et leur capacité à innover ensemble, posent les bases d’une transformation profonde et durable. Ce faisant, la Champagne ne se contente pas de répondre aux défis écologiques actuels ; elle se positionne en leader, offrant un modèle d’inspiration pour le secteur viticole mondial.


 

1 étude, 3 profils d’organisations et 2 approches

Réalisée sur une durée de 3 ans, l’étude met en lumière trois catégories d’organisations selon leur degré d’avancement dans leur processus de transition environnementale  : les vignerons pionniers fortement engagés depuis 10 ans, les vignerons novices ayant démarré leur transition depuis 5 ans et les vignerons à la tête de petits domaines, dont le virage vers une production soutenable est plus récent.

Cette étude qui repose sur l’analyse de base de données et sur une vaste campagne d’entretiens menée auprès des acteurs de la filière a montré également que deux approches de réorientation stratégique existaient aujourd’hui parmi les professionnels du champagne :

  • L’approche « puzzle » : la transition environnementale est traitée de manière indépendante, par postes d’émissions de gaz à effets de serre (culture, verre, emballage, transport…), et déclinée en objectifs mesurables. « Cette réorientation nécessite souvent un arbitrage entre identité de marque et enjeux de soutenabilité, avec des incertitudes sur la perception du consommateur », explique Nicolas Befort. « Cette stratégie est surtout mise en œuvre par des organisations de grande taille, capables d’investir en R&D pour rationaliser les processus et élaborer des plans d’action dédiés ».
  • L’approche « holistique » : la durabilité est perçue comme un processus de transition globale, principalement orientée sur les modes de production. L’évaluation des pratiques est assurée via les labels qui structurent la professions (certification HVE, label Viticulture Durable en Champagne VDC, label BIO). « Ces différents labels proposent des référentiels complets de bonnes pratiques environnementales, avec le développement d’outils et de méthodes impactant l’ensemble des fonctions ».

Cette pluralité de réorientations stratégiques et de profils d’organisations pourrait faire craindre la division parmi les acteurs de la filière. Au contraire, l’étude montre que les deux approches coexistent chez les producteurs de champagne et qu’elles sont toutes les deux créatrices de valeur. Plus encore, cette stratégie historique dans le secteur, mise en place autour de l’idée d’un patrimoine à protéger, devient pour le champagne un avantage compétitif fort. « Le collectif joue un rôle déterminant grâce à une organisation interprofessionnelle très structurée qui agit depuis longtemps au nom de la marque Champagne. Tous les acteurs interrogés soulignent ainsi la nécessité de favoriser l’intelligence collective et l’innovation participative » complète Nicolas Béfort.

 Trois mesures pour accélérer la transition écologique du champagne

Cette étude dévoile également trois mesures pour accélérer la mise en œuvre de la soutenabilité du champagne.

  • La formation des acteurs et la circulation des connaissances dans toutes les étapes de recherche et d’innovation représente l’un des leviers majeurs, via la mise à disposition d’outils pertinents et l’identification des trajectoires de transition réussies servant de modèles. « L’implication des coopératives et des réseaux existants est fondamentale pour favoriser la diffusion des bonnes pratiques ».
  • La généralisation des expérimentations est également cruciale, notamment via la création d’un registre des expérimentations et le recensement des pratiques expérimentales. « L’une des pistes identifiées dans l’étude est la duplication d’expérimentations à différents endroits du vignoble d’un même procédé » ajoute Nicolas Béfort. « L’objectif final étant de généraliser les expérimentations ».
  • Le développement de boucles de circularité permettant de créer de nouvelles activités et de favoriser l’atteinte des objectifs de neutralité carbone est la troisième recommandation identifiée dans l’étude.

Trois profils d’organisations en Champagne

Parmi ces organisations, l’étude met également en lumière trois catégories d’organisations plus ou moins avancées dans ce processus de transition.

Les vignerons pionniers. Ils sont engagés depuis au moins 10 ans. Ces producteurs sont en mesure d’acheter des raisins et des vins clairs soutenables. « Cette catégorie de vignerons possède une forte capacité à structurer des communautés de pratiques et à transférer des connaissances de manière formelle ou informelle » complète Nicolas Béfort.

Les vignerons novices. Ils ont démarré la transformation de leur domaine il y a moins de cinq ans mais leur engagement impulse une dynamique forte pour l’évolution du secteur. Leurs expérimentations portent principalement sur la reconstitution de la biodiversité, les modes de culture et de vinification, et le bilan carbone de la production. « Ces vignerons font face aujourd’hui à trois tensions » analyse Nicolas Béfort. « D’abord, ils doivent souvent choisir entre verdir complétement la gamme ou verdir une partie de l’activité, conformément aux deux réorientations stratégiques possibles. Ensuite, ils se questionnent sur l’arrêt de la transformation après l’obtention d’un label ou sur la poursuite de la démarche dans une logique d’amélioration continue. Enfin, ils se trouvent confrontés à la problématique de créer une marque spécifique ou à maintenir la marque existante ».

Les vignerons ayant des domaines de petite taille. Il s’agit principalement de récoltants-producteurs. Ils ont une surface de production plus petite que les autres groupes et ils ont démarré leur conversion en agriculture biologique récemment, en réponse à une augmentation de la demande pour des raisins soutenables. « Les coopératives et les Maisons de Champagne jouent un rôle clé pour porter la transition dans ce groupe » note Nicolas Béfort.


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