Accueil ECONOMIE Sauver les vignobles familiaux : un enjeu fiscal majeur

Sauver les vignobles familiaux : un enjeu fiscal majeur

Une conférence de presse (SVGCNAOC) a mis en lumière un enjeu crucial pour l’avenir des vignobles français : la transmission des exploitations viticoles. Alors que de nombreux vignerons approchent de l’âge de la retraite, les défis fiscaux liés à la transmission du foncier menacent la pérennité de ces exploitations familiales, qui sont le cœur de la viticulture française.

Alors que la viticulture française est à un tournant crucial, les familles d’exploitants tirent la sonnette d’alarme sur la fiscalité pesante qui complique la transmission des vignobles de génération en génération. Le modèle viticole français, largement dominé par des exploitations familiales, fait face à un paradoxe : alors que les prix des terres viticoles s’envolent, notamment dans des régions prestigieuses comme la Bourgogne ou la Champagne, les exploitants peinent à maintenir leurs domaines face à une fiscalité inadaptée. Le secteur exige une refonte des règles fiscales pour assurer la pérennité de ce patrimoine vital. Ainsi, en Champagne, la situation n’est guère reluisante : le prix moyen de l’hectare dépasse désormais le million d’euros, atteignant même 1,8 million dans certains secteurs. Avec une moyenne de 5,4 années de résultats courants avant impôts pour couvrir les seuls frais de transmission, les exploitations se trouvent dans une impasse économique. Et ce phénomène de spéculation menace la survie des petites et moyennes exploitations. Les jeunes générations, souvent désireuses de reprendre le flambeau familial, sont freinées par des coûts insoutenables. Sans ajustement fiscal, ces familles se voient contraintes de vendre leurs terres, souvent à des investisseurs ou grands groupes, favorisant ainsi une concentration des terres et un affaiblissement des structures locales.

Une fiscalité déconnectée de la réalité économique

Le principal problème auquel les viticulteurs sont confrontés réside dans le calcul de la fiscalité. Actuellement, la valeur retenue pour la fiscalité lors des transmissions est basée sur la valeur spéculative du foncier, bien supérieure à la rentabilité économique réelle des exploitations. Cela se traduit par des droits de succession disproportionnés, qui ne génèrent pas les revenus générés par les vignobles. Par exemple, en Champagne, les frais de transmission peuvent représenter jusqu’à 28 années de revenus locatifs pour un propriétaire.

Dans un cas concret en Bourgogne, un domaine familial de la Côte de Nuits a dû vendre une partie de son foncier pour couvrir les frais d’un redressement fiscal de 600 000 euros lié à la réévaluation des terres. Le domaine, qui souhaitait simplement transmettre le foncier familial à ses trois enfants, a vu ses parcelles de grands crus réévaluées à 1,8 million d’euros l’heure (4,28 ares), bien au-delà de leur rentabilité. Cette situation n’est pas isolée et met en lumière les difficultés pour de nombreuses familles à pérenniser leur exploitation.

Des propositions fiscales insuffisantes

Face à cette situation critique, les vignerons demandent un alignement de la fiscalité viticole sur le modèle du Pacte Dutreil, qui permet un abattement de 75 % sans plafond pour la transmission des entreprises familiales. Actuellement, l’abattement fiscal pour les terres viticoles, bien qu’augmenté récemment, reste plafonné à 500 000 euros (et serait porté à 600 000 euros selon le projet de Loi de finances 2025). Une mesure jugée largement insuffisante par les professionnels du secteur. De fait, en Champagne, à Bordeaux ou en Bourgogne, où l’hectare de vignes peut atteindre plusieurs millions d’euros, ces seuils ne couvrent qu’une infime partie des besoins des exploitants familiaux.

Les professionnels critiquent également l’orientation exclusive de certaines mesures vers les jeunes. Bien que ces derniers soient souvent les premiers à reprendre les exploitations, le ciblage sur cette catégorie crée une distorsion. En réalité, la transmission concerne souvent des repreneurs plus âgés, qui ne bénéficient pas des avantages fiscaux réservés aux moins de 40 ans. Ce déséquilibre aggrave encore la situation des familles viticoles qui ne peuvent pas à ces allégations.

Un patrimoine en péril

La transmission viticole n’est pas qu’une question économique. Elle est au cœur d’un écosystème rural vivant, constitué de petites et moyennes entreprises familiales, qui jouent un rôle essentiel dans le maintien de la vie des villages et dans l’économie locale. Lorsque la transmission échoue, ce n’est pas seulement une exploitation qui est perdue, mais tout un tissu socioéconomique qui se déstructure. Les terres sont souvent rachetées par des investisseurs extérieurs, moins ancrées dans les territoires, ce qui accélère la concentration des propriétés viticoles entre les mains de quelques grands groupes. À long terme, cette dynamique pourrait transformer le paysage viticole français, en éloignant les vignobles de leurs racines locales et en renforçant une viticulture industrielle, déconnectée du terroir.

Les viticulteurs réclament donc une révision urgente des règles fiscales, non seulement pour préserver l’héritage familial, mais aussi pour garantir que la viticulture française continue à être un moteur économique et écologique à long terme. Le secteur plaide pour un déplafonnement de l’abattement de 75 % sur la valeur des vignes transmises, avec l’engagement que les terres restent dans la famille pour une période d’au moins quinze ans. Pour eux, une fiscalité juste et adaptée aux réalités du marché est la clé pour assurer la pérennité des exploitations familiales et préserver l’identité viticole française.


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