Le champagne peut-il se relever de cette crise sanitaire sans précédent ? Oui à condition que chacun des acteurs, petits et grands, laisse entendre sa voix sur l’échiquier économique. Il en va de la vie comme de la mort de vignerons, viticulteurs, négociants-manipulants, coopératives et récoltants-coopérateurs. Car plus qu’un acte de résistance, la communication représente la voie du salut des professionnels du secteur. Éclairage de Virgile Lacroix, co-gérant et fondateur de CIDÉO, agence de communication installée au coeur du vignoble à Aÿ travaillant aux côtés des vignerons et viticulteurs depuis près de 20 ans.
Comment l’activité champagne peut-elle se relever de cette crise ?
Virgile Lacroix : Notre vignoble connaît actuellement une profonde transformation mise à mal par l’onde de choc pandémique de COVID-19. Au départ sanitaire, la crise atteint maintenant la sphère économique, exacerbant le jeu des pouvoirs. Les relations intra vignoble se révèlent et ne laissent plus d’autre choix aux vignerons ou aux viticulteurs qui veulent perdurer que de passer par des actes forts. Ceci afin de créer de la valeur mais également de limiter les interdépendances avec les autres acteurs ou encore de réviser leur stratégie marché. Vigneron, viticulteur, récoltant-coopérateur, coopérative et négociant-manipulant, tous les professionnels du secteur sont concernés sans exception.
À quel scénario peut-on s’attendre ?
Virgile Lacroix : Sans réaction immédiate de leur part, la situation ne fera que s’aggraver. Tenus pieds et poings liés par leur dépendance au négoce, les vignerons s’en trouveront plus affaiblis encore, offrant toute latitude à l’écrémage déjà bien amorcé parmi les plus vulnérables. Rappelons quand même que la situation actuelle n’est pas si éloignée du siècle dernier. En 1911, il avait fallu la baisse des prix au kilo pour que les vignerons réagissent et sortent dans les rues. Preuve que nous avons la mémoire un peu courte. Le prix du raisin doit-il encore chuter ? Avons-nous besoin que d’autres voyants virent au rouge ? Cette piqûre de rappel est-elle suffisante ou nous faut-il encore 110 ans pour comprendre ?
La solution est donc de faire corps ?
Virgile Lacroix : Oui, car si nous avons bien quelque chose à apprendre des derniers événements c’est bien la nécessité de faire cause commune. Le confinement a révélé de beaux élans de solidarité que nous devons à notre tour encourager. Comme dit le proverbe : « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». Les actes isolés doivent se fédérer pour voir émerger une intelligence collective et servir l’intérêt commun. Retroussons nos manches, jouons cartes sur table et reprenons le dialogue là où il a été laissé. Apprenons les erreurs de nos prédécesseurs pour ne pas les reproduire à notre tour. Partageons nos doutes, nos attentes et nos espoirs. Le regard neuf, il n’y a qu’affranchis du passé que nous pourrons envisager d’avancer. Ensemble et sereinement, dans une relation équitable et sans de laissé-pour-compte.
Il faut donc agir dès à présent ?
Virgile Lacroix : Maintenant ou jamais. Demain est presque déjà trop tard. L’heure n’est pas au fatalisme mais au contraire à la proactivité. L’un n’empêche pas l’autre, on peut être indépendant mais solidaire. Autonome dans la gestion de son activité mais déterminé à un défendre un intérêt commun. Il ne faut pas attendre l’arrivée d’un sauveur. La solution est dans la force à se rassembler et à se mobiliser autour d’une union solidaire. Prendre le temps de débattre ensemble, écouter ce que les autres ont à dire, partager vos bonnes pratiques, il n’y a que de cette manière que les actions pourront avoir un poids et infléchir sur le destin. Faute de quoi rien ne sera suivi d’effets. C’est aujourd’hui qu’il faut réagir pour que son domaine perdure demain.
Il faut regarder autour de soi. Certains valorisent leur prix et se construisent un discours unique – en un mot, se « bougent » – et trouvent des marchés réceptifs à leur offre. Accompagnés dans la bonne communication et guidés dans la commercialisation adéquate, ils s’en s’en sortent très bien. C’est pour nous un crève-cœur de voir des exploitations entières baisser les bras et se vendre (littéralement) alors que des clés existent pour perdurer.
De plus en plus de vignerons nous font écho de leur sentiment de ne pas être représentés correctement par les acteurs « politiques » de la profession. Un soulèvement frémissant que nous espérons voir éclore positivement pour que le monde champenois avance dans la bonne direction. C’est tout notre patrimoine, tant historique, familial que territorial, qui en dépend.