Remontons le temps jusqu’au XI siècle avant même la naissance de Dom Pérignon ! Le Musée du Vin de Champagne et d’Archéologie Régionale organise une conférence-dégustation intitulée « L’abbaye St Pierre d’Hautvillers : une histoire remise au jour par l’archéologie » ce jeudi à 18h30. Présenté par Cédric Roms de l’Inrap, cette conférence, organisée en partenariat avec l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives (Inrap) et Moët et Chandon, promet de plonger les participants dans l’histoire fascinante de l’abbaye St Pierre d’Hautvillers.
Grâce à Cédric Roms voici quelques détails issus de ces travaux. Ainsi dans la perspective d’un projet de rénovation et de restauration de l’abbaye d’Hautvillers (lire ici), et à l’issu d’un diagnostic en 2022, le service régional de l’archéologie a prescrit une opération de fouille préventive ; celle-ci a comme objectif de permettre une meilleure connaissance du site pour les archéologues, mais également pour le propriétaire Moët & Chandon.
L’intervention des équipes de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) s’est déroulée de début avril à fin novembre 2023, elle a permis une fouille quasi extensive des bâtiments l’abbaye Saint-Pierre d’Hautvillers, en rouvrant des secteurs déjà en partie étudiés dans le cadre de chantiers programmés à la fin des années 1980 par Pascale Bousquet-Chevalier. Cette opération est exceptionnelle en raison du lieu et de son emprise (env. 9 500 m²). Si les vestiges du monastère primitif, fondé en 658 par saint Nivard, n’ont pas été découverts – il est possible que le site d’origine se soit trouvé à quelque distance de l’emplacement actuel de l’abbaye – il a été possible de suivre l’évolution des bâtiments, à travers leurs vestiges, des XIe-XIIe siècles jusqu’à leur démantèlement après la Révolution mais également celles d’une exploitation viticole du XIXe siècle. Six phases de constructions ont été observées sur le terrain, mais cette chronologie va se préciser avec l’avancée des études : XIe-XIIe siècles, XIIe-XIIIe siècles, XVe siècle, XVIe siècle, XVIIe siècle et la période contemporaine XIXe-XXe siècles.
Outre les vestiges des bâtiments du monastère, les fouilles ont permis la découverte de sépultures dans la galerie orientale du cloître et les bâtiments conventuels, notamment dans la salle capitulaire – la salle de réunion des moines où se prennent les décisions et où s’organise la vie dans l’abbaye –, également à l’est. Il s’agit de dix-sept tombes de moines, qui ont été pour certaines rouvertes plusieurs fois pour être réutilisées la place semblant faire défaut. La majorité de ces tombes était aménagées avec des parois moellons et l’une d’entre-elles étaient encore couverte de blocs de calcaires taillés en bâtière. La galerie orientale et la salle capitulaire sont des lieux privilégiés et courant d’inhumations des moines.
Cimetière paroissial du XVIIe
L’une des découvertes a été celle d’une petite portion du cimetière paroissial du milieu du XVIIe siècle, devant et au nord de l’église. Il semble que pour une période assez courte, ne devant pas excéder un siècle – l’étude des archives devrait le préciser – , la paroisse ne puisse plus utiliser son cimetière – et peut-être même son église – , aussi les religieux de Saint-Pierre leur cèdent-ils une partie des jardins de l’abbaye le long du bas-côté nord de l’église abbatiale pour y aménager un cimetière (env. 1 500 m²). Ce dernier figure sur un plan dressé vers 1675 mais a disparu sur un autre de 1777. 121 tombes, d’adultes et d’enfants, ont été fouillées sur la centaine de mètres carrés de cimetière conservée et comprise dans l’emprise du terrain. Deux tombes isolées – pour l’une d’elle les ossements du défunt ont été prélevés avant la fouille et tandis que la seconde était encore couverte par des dalles calcaire – ont également été trouvées au sud du cloître. Comme pour une partie des tombes du cimetière et du cloître, elles vont être datées au carbone 14.
Les vestiges de trois ateliers de fondeurs de cloches (saintier) ont été mis au jour ; partiellement pour deux d’entre eux : la fosse de coulée d’une petite cloche dans l’angle sud-ouest du cloître et une fosse de rejet de fragments de moules à cloche en limite sud du décapage. Le dernier et le plus complet se trouve au nord du site à quelques mètres de l’église. Une grande fosse de coulée a accueilli successivement la fonte de trois grosses cloches de plus de 1,50 m de diamètre, celle de quatre autres d’une soixantaine des centimètres de diamètre, puis de deux dernières légèrement plus petites. Ainsi un carillon de neuf cloches a été fondu, probablement au XVIIe siècle. La fouille d’un tel ensemble est assez rare. À proximité de la fosse, se trouvait le cendrier, la partie inférieure, du four dans lequel le saintier a fait fondre un mélange de cuivre et d’étain dont la composition précise devrait être déterminé grâce à quelques résidus de fonte conservés dans les moules.
Cellier et caves
L’activité économique de l’abbaye transparaît également à travers les vestiges de bâtiments dont pour certains la fonction est connue à travers un plan de 1777. Ainsi la cour des pressoirs ou le cellier de l’abbaye dont quelques tronçons de mur étaient concernés par la fouille. Mais également de grandes caves dont l’une est en partie implanté dans le cimetière paroissial. Une deuxième cave se trouve à l’emplacement de l’hôtel abbatial. Elle a semble-t-il avoir été reprise ou agrandie dans le début du XIXe siècle, ou à la fin du XVIIIe siècle, après la vente de l’abbaye comme bien national, comme le montre un plan non daté. Lors de sa construction qui reste à préciser (peut-être dès le XVIIe siècle ?), les maçons ont été contraints de détourner le grand égout qui récupère encore aujourd’hui les eaux des sources des fontaines Saint-Nivard et Sainte-Hélène et devait dès le Moyen Âge collecter les eaux usées de l’abbaye.
La phase d’étude ne fait que commencer ; il est désormais temps de reprendre les données issues de la fouille, d’étudier le mobilier archéologique et d’engager des analyses. À l’issue de ces travaux viendra celui de la synthèse puis de la rédaction et le rendu du rapport scientifique. Il sera alors temps, les hypothèses plus sûres, de transmettre plus largement ces données auprès du public. L’INRAP, avec son expertise reconnue dans le domaine de l’archéologie, apportera un éclairage inédit sur les découvertes récentes liées à l’abbaye, un site emblématique de la région.
Dégustation de la cuvée Grand Vintage 2015
À l’issue de la conférence, les participants auront l’opportunité de savourer la cuvée Grand Vintage 2015 de Moët et Chandon, une expression de savoir-faire et de tradition champenoise. Cette dégustation promet d’être un moment fort, permettant de célébrer à la fois l’histoire et la culture du champagne. Ne manquez pas cette occasion unique de découvrir les secrets de l’abbaye St Pierre d’Hautvillers et de déguster un champagne d’exception. Rendez-vous le jeudi 13 juin à 18 h 30 au Musée du Vin de Champagne et d’Archéologie Régionale pour une soirée mêlant histoire et vins de Champagne.