Qui va faire la une du journal ? Qui va faire son plus beau sourire, sécateur dans une, grappe de raisins dans l’autre ? Et oui voici venu le joli temps du « premier coup de sécateur » en Champagne. Un délicieux moment clé médiatique. Celui de mettre en avant le vigneron qui va « inaugurer » la vendange. Celle de 2019 n’échappera pas à la règle. C’est la seconde fois que je mets ce sujet en exergue, donc il est sensiblement identique à celui de l’année dernière, car comme les premiers coups de sécateurs c’est un peu tous les ans la même chose.
Coco ! Le premier coup de sécateur en Champagne, ça marche toujours ! Lors de mes premiers reportages sur les vendanges, hardi-petit, je me suis lancée à la quête de ce fameux premier coup de cisaille dans les galipes. Interrogeant des vignerons, appelant maintes fois au CIVC (à l’époque où il ne s’appelait pas encore le Comité Champagne) pour obtenir l’info sur les dérogations, cherchant à tout prix à trouver l’oiseau rare qui mettra le premier sa grappe de raisins dans un panier (maintenant c’est plus facile, tu passes en direct avec le vigneron via les réseaux sociaux) . Au fil des années (un peu naïve à l’époque !), je me suis aperçue que ce premier coup de sécateur était souvent lié à la maturité de très jeunes ou très vieilles vignes. Un épiphénomène ! Et pourtant devenu sacralisé par les médias, ce premier coup de sécateur est un vrai piège pour un journaliste. Car une fois obtenu ce scoop de grande envergure, il faut attendre … le second coup de sécateur. Qui le plus souvent arrive une bonne semaine après, quand le coeur des vendanges démarre vraiment. Et en attendant, le rédacteur en chef « hautement qualifié » en viticulture ne peut donc pas compter sur des reportages télé ou photos montrant l’intense activité de centaines de vendangeurs dans les vignes.
Bref, vous l’avez compris le premier coup de sécateur est un faux ami. Mais pas pour tout le monde, en Champagne, ce moment de « grâce » permet de se faire connaître très vite, très haut et très fort…à moindre coût. Le dernier en date, the last but not the least, est notre ami Jacques Beaufort, (champagne André Beaufort). Pour ceux qui ne le connaissent pas, Jacques Beaufort a été l’un des premiers pèlerins du bio en Champagne. Son domaine est soigné avec des huiles essentielles et cultivées selon les règles de l’homéopathie. Là aussi, c’est un épiphénomène champenois. Mais c’est bien chez lui le 17 août 2018 que TF1, France 2, France 3, le Figaro, l’union et autres médias ont décidé de se rendre pour marquer le départ des vendanges en Champagne. Qui concerne près de 15 800 vignerons et 320 maisons de champagne sur 278 000 parcelles. Soit dit l’image que l’on veut, c’est celle du premier coup de sécateur ! On prend ce qu’il y a à prendre !