Entrez dans un monde presque irréel où l’inox se joue des volumes comme pour apporter aux vins des cathédrales aux reflets argent. Depuis une quinzaine d’années, les outils industriels champenois veulent apporter une touche architecturale à l’image du vin. Force est de constater que d’une part, il y a l’aspect technologique qu’on ne peut pas ignorer avec de nombreuses innovations liées à la conservation des vins, d’autre part, on peut constater que l’aspect esthétique est désormais un facteur sur lequel il faut compter. Il est souvent lié à la réputation de la marque et à son engagement au sein de l’appellation Champagne. Si on remonte le temps, à chaque étape de leur élaboration, les Champenois construisent progressivement les styles de leurs vins, au travers de multiples choix, risques et investissements. Élevage, vins de réserve, assemblages, le contenant est déterminant pour la vinification.
Bois et inox
Bien sûr, historiquement, le bois est le maître mot de la Champagne, lié d’ailleurs à une importante activité de tonnellerie peu ou prou disparue (hormis la dynamique Tonnellerie de Champagne-Ardenne). Au cours du XXè siècle, il n’a cessé d’être remplacé par des matériaux innovants. La construction de l’après-guerre, qu’elle soit des caves ou des habitations, est la période phare de développement du tout béton. Facile à mettre en œuvre, économique et résistant, ce matériau possédait, il est vrai, pour l’époque, de nombreuses qualités Puis la cuve inox s’est largement implantée en Champagne avec ses nombreuses qualités. Toutefois le bois n’a pas disparu pour autant voire réapparaît sur les domaines pour des cuvées spécifiques à bon ou mauvais escient. Alors que l’inox est garant de la personnalité du vin qu’il contient, le bois emprunte une autre philosophie de vinification basée sur l’échange.
Décor et performances
Très loin de l’image des fameuses « cuveries laiteries », on joue sur les transparences, les effets de lumières, les paysages, les matières … Des architectes et décorateurs ont mis ainsi leurs compétences au service des domaines de maisons voire des chais de vignerons. On joue sur les transparences, les effets de lumières, les matières … En Champagne, Jean-Michel Wilmotte, l’homme choisi pour effectuer le « Grand Moscou », a réalisé une cuverie réservée à la cuvée « Grand Siècle » de Laurent-Perrier à Tours-sur-Marne. Le vaisseau-amiral high-tech donnant sur la Côte des Blancs de Moët & Chandon (138 cuves pour 100 000 hectolitres) à Mont-Aigu a été dessiné par l’architecte rémois Giovanni Pace. Deux spécialistes régionaux très pointus ont créé également un certain style « cosy » et chaleureux dans le monde de l’inox et du bois, Vincent Fierfort, architecte et Bernard Muller, décorateur. À leur actif, la cuverie, puis le chai de la maison Billecart-Salmon à Mareuil-sur-Aÿ, la maison Pol-Roger sur l’avenue de Champagne à Epernay. Tout dernièrement, en terme d’animations, Nicolas Feuillatte a réalisé un « son et lumières » autour de sa cuverie afin de rendre encore plus attractif son circuit de visite. Et on attend encore la Comète, le projet phare de la maison Veuve-Clicquot. Je pourrai en citer bien d’autres comme celles de la maison Ayala, de coopérative Palmer…, On l’a compris outre l’aspect technique, la cuverie se doit désormais de refléter le style du domaine.
Je reste toutefois encore ébahie, lorsque je passe rue Pasteur à Avize, par la cuverie dédiée au vin de réserve de la grande coopérative l’Union Champagne. Une sorte d’objet viticole non identifié. La Champagne a applaudi devant une l’audace d’une telle conception. Et est restée bouche bée devant l’immense salle de dégustation dont la table est recouverte de feuilles d’or.