Je vais faire des jaloux : ceux qui aiment le champagne, ceux qui apprécient le vin, ceux qui savourent les anciens millésimes, ceux qui affectionnent les belles maisons. Bref, les amateurs du Clos des Goisses. Et ils sont nombreux ! À Londres, lors d’une vente aux enchères Christie’s à Londres, un lot constitué de six magnums du Clos des Goisses datant de 1951 s’est vendu 36 750 £. Le rendez-vous à été fixé à la maison Philipponnat à Mareuil-sur-Ay pour une verticale de Clos des Goisses de remontant de 2002 à 1976. Voilà donc une très belle dégustation en bonne compagnie avec le critique du vin, Bernard Burtschy. Une dégustation organisée pour nous par Jean-Baptiste Duteurtre pour sa prochaine édition de Bulles et Millésimes.
Un peu d’histoire
Le Clos des Goisses a été acquis par Pierre Philipponnat en 1935, qui lui donna sa physionomie actuelle en complétant le système d’escaliers-descentes d’eaux et en consolidant son monopole grâce aux rachats des parcelles dispersées lors des révolutions et crises. Il s’agit de la première cuvée de ce type à être commercialisé en tant que clos. Ici on y traite les vignes avec des chenillards, la pente est ardue à monter. La vue est l’une des plus belles de la Champagne. Il y fait en moyenne 1,5 °C plus chaud que dans le reste de la région pendant la période de maturation du raisin, ce qui équivaut à descendre environ 400 km plus au sud… en Bourgogne. Entre chardonnays et pinots noirs, 5, 15 ha sont consacrés à cette cuvée spécifique. La production est de 20 000 bouteilles selon les années et les rendements. On peut d’ailleurs noter que la maison élabore également un Clos des Goisses rosé, une production confidentielle d’un millier de bouteilles réalisée trois à quatre fois par décennie. Pour l’anecdote, gois ou goisses signifie Coteau pentu en vieux champenois. Et il paraît que la goisse serait la transcription de « dur labeur ». On peut le comprendre, car le travail effectué dans les vignes, sur cette pente d’une déclinaison de 25 % à 45 %, est ardu. En 1986 la maison de champagne est acquise par la Financière Globe en 1986, elle passe ensuite dans le groupe Marie Brizard avant d’être rachetée par Lanson BCC en 2010. La maison est dirigée depuis l’an 2000 par Charles Philipponnat, fils de René Philipponnat qui a été pendant 40 ans, chef de cave de Moët & Chandon.
Quinze vins sur vingt
Passons aux choses sérieuses. Charles Philipponnat nous a présenté quinze vins dont treize sont sur pointe (liste sur les photos). Tous les treize ont été dégorgés à la minute, avec plus ou moins de mal, mais avec talent par le maître des lieux. On le sait, selon le vieillissement de la bouteille et du bouchon, cette action n’est jamais simple à effectuer (voir la vidéo ci dessous)
Quant à l’assemblage, il varie peu ou prou : deux tiers de pinots noirs, un tiers de chardonnays. Le Clos des Goisses est vinifié sous bois à 75 % sans fermentation malolactique et bénéficie d’un léger dosage (encore 4,5gr/l). Je ne vais pas faire une description de chaque vin, d’une part, c’est trop long, d’autre part… c’est trop long. Des vins tels que le Clos des Goisses pourrait donner l’inspiration à un poète. Des poèmes qui seraient dédiés à chaque millésime. Aromatiques, profonds, vineux, on entre dans un monde d’arômes et de goûts, oscillant entre fraîcheur et maturité, fruits et fleurs, cuir et miel, gourmandises et profondeur. Si la colonne vertébrale des vins est la même avec ce fameux terroir de Mareuil-sur-Aÿ, le vieillissement et les différentes vendanges permettent d’apprécier ces millésimes d’exception. Avec un 2 000, le millésime de l’observation, le premier millésime de Charles Philipponnat ou un 2003 qui n’en finit pas de surprendre. Évidemment, on a ses « chouchous » : ma préférence va au 1982 pour son éternelle jeunesse et pour le 1995… une vraie « tuerie !!! » Quant au 1998, c’est une « bombe ». Oui, je vis dangereusement !